Conférence d’ouverture de la RIW par Nicole Corti

Conférence d’ouverture de la RIW par Nicole Corti – Lyon le 20 Juillet 2021

Les missions humaines, artistiques et sociales de l’éducation musicale, au-delà des méthodologies : un écho à la « Déclaration de Fribourg ».

Adopté à Fribourg le 7 mai 2007, un texte est rédigé par un groupe constitué d’intellectuels et de responsable des droits de l’homme. Ce groupe est organisée à partir de l’institut interdisciplinaire d’éthique et des droits de l’homme à l’université de Fribourg.

La déclaration de Fribourg

La déclaration de Fribourg (texte intégral sur le lien) réaffirme que « les droits de l’homme sont universels, indivisible et interdépendants et que les droits culturels sont, à l’égal des autres droits de l’homme, une expression est une exigence de la dignité humaine. »

Elle fait état de la conviction « que les violations des droits culturels provoquent des tensions et des conflits identitaires qui sont une des causes principales de la violence, des guerres et du terrorisme. »

Dans l’article 2 de cette déclaration, elle définit le terme « Culture ». Ce terme recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquelles une personne ou un groupe de personnes exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement.

Dans l’article 6, elle indique : « Dans le cadre général du droit à l’éducation, toute personne, seule ou en commun, a droit, tout au long de son existence, à une éducation et à une formation, qui, en répondant à ses besoins éducatifs fondamentaux, contribue au libre et plein développement de son identité culturelle, dans le respect des droits d’autrui et de la diversité culturelle. »


Ce texte me semble une ouverture appropriée aux travaux qui vont nous occuper durant cette semaine. Il nous signifie l’importance vitale du développement humain et social par la culture, et pour ce qui nous concerne, par la musique comme étant l’un des arts cités.

Il nous signifie que chacun doit avoir accès à l’art s’il le souhaite, dans le respect de ce qu’il est et de son implication choisie par lui dans le collectif.

Il nous signifie que l’art, entre autres valeurs, contribue à l’équilibre social par la connaissance et la progression individuelle.

En effet, le contact à la pratique artistique éveille les sens, interroge en profondeur nos fonctionnement, nous met en relation avec la beauté comme étant un témoignage d’authenticité plus qu’une révélation esthétique.

Et en effet, la partager devient un puissant moteur de communication subtile entre les êtres.

Nous sommes ici aujourd’hui pour nourrir notre activité de transmission par la réflexion, l’échange, l’accroissement de nos connaissances, le désir de renouvellement constant de nos savoir-faire et de nos savoir-être. En fait, nous sommes ici pour ouvrir un peu plus notre champ de compétence, conscient de la valeur avérée de l’éducation musicale.

Nous sommes à la recherche de ce qui provoque le désir de transmettre, plaisir du vécu pendant les leçons, conscience de l’apport inestimable de notre travail auprès des enfants, des adolescents, des adultes, des personnes limitées par la maladie, par la non mobilité, par l’enfermement contraint.

Notre rôle est d’autant plus compris que nous en connaissons nous-mêmes les implications, les effets bienfaisants et structurants.

La musique considérée donc, comme un acte synthétique par Edgar Willems, semble bien détenir le pouvoir d’émouvoir, de stimuler et d’harmoniser les fonctions organiques et sensibles.

L’importance des partenariats

Deux conférences nous seront offertes cette semaine par Gérard MICK, Docteur en médecine et en neurosciences, qui étudie depuis plusieurs années la relation vertueuse entre musique et santé. Musicien de surcroît, il se fait la voix de grand nombre de ses confrères, qui cherchent une voix alternative à la médication.

Nous vous invitons bien entendu à venir assister à ces deux passionnant moments de témoignages livrés par le brillant scientifique qu’il est.

Les artistes de leur côté redoublent d’inventivité et de générosité pour se rendre là où les personnes sont contraintes, et ne peuvent se déplacer. Certaines associations comme « L’invitation à la beauté » fondée par le neurologue Pierre Le Marquis et la psychologue Laure Mayoud organisent l’exposition d’œuvres d’art dans les chambres des patients à l’hôpital. Avec cette association, Spirito et son chœur professionnel sont actifs musicalement dans les maisons de retraite, les hôpitaux, les prisons.

Avec l’association MERL à Lyon, l’éducation musicale dans les écoles défavorisés crée les conditions de la création musicale contemporaine grâce à des intervenants aguerris et des compositeurs de haut vol.

Il s’agit bien de démontrer et de confirmer que la musique peut atténuer la souffrance et favoriser le lien entre les personnes.

Elle peut aussi éveiller l’esprit d’analyse et fortifier la capacité à discerner, à opérer des choix.

Le mélomane assidu est parfois plus que le musicien lui-même, capable de comparer les interprétations d’une même œuvre, d’en retenir une et de se connecter intimement à cette version.

Les neurosciences nous apprennent que celui qui écoute profondément met en action des neurones particuliers, les neurones dits « miroirs ». L’activité cérébrale de celui qui reçoit est de la même intensité que le musicien qui joue et/ou qui chante.

Et l’écoute nourrit l’oreille qui enrichit son capital sensoriel.

Entendre petit pour entendre grand

N’est-ce pas la toute première proposition willemsiennes qui fait du développement auditif la première priorité énoncé ?

Rendre l’oreille toujours plus performante, plus en acuité, permet à la voix de s’exprimer avec d’autant plus d’aisance et de spontanéité.

La voix, notre identité, notre dignité, dit beaucoup de nous. Elle permet à l’autre de comprendre nos états d’âme, nos désirs, nos interrogations. La voix nous permet de relayer le chant de nos anciens et d’inventer librement en explorant des contrées sonores nouvelles.

Le chant et l’improvisation ne sont-ils pas des propositions « clés » de la proposition willemsiennes ?

D’autant plus que le moteur premier du chant est le souffle, la respiration, qui agissent d’autant plus que le corps est disponible. Le rythme frappé, le mouvement corporel sont fonciers de notre aisance physique.

Pour beaucoup la pratique musicale représente la pratique instrumentale, qui n’est que le prolongement du musicien préparé au plan sensoriel et même solfégique.

Jouer avec son instrument permet d’élargir le spectre de la découverte des timbres, de repousser plus loin la limite de nos facultés motrices.

La qualité des débuts instrumentaux mérite un soin particulier afin que curiosité et désir se conjuguent pour créer la motivation d’un entraînement quotidien nécessaire à toute discipline conduite avec esprit d’approfondissement.

Au-delà des méthodes

Au-delà des méthodes, toutes empreintes d’intentions nobles et de convictions sincères, le passeur de musique que nous sommes doit savoir qu’il peut compter sur cet art exceptionnel et complet pour aider à vivre, à mieux vivre, parfois à survivre.

Et pour cette raison, des institutions comme la Fédération Internationale Willems® s’engagent à informer des enjeux multiples et existentiels de l’éducation par la musique. Comprendre ces enjeux pour favoriser la familiarité à la beauté par l’art, se doter d’outils nombreux pour plus de créativité.

Éprouver l’importance de la transmission et vivre l’enseignement comme une porte sur l’épanouissement professionnel par la musique et l’art en général, dépasser les difficultés par la conviction de leur utilité humaine et sociale, telles sont les raisons de notre présence ici.

Bienvenue !

Bienvenue à vous tous, et à tous ceux qui nous rejoignent par le moyen de la visioconférence.

Cette semaine sera pédagogique et artistique. Les moments musicaux quotidien nous permettront de rencontrer les interprètes, Artistes Musiciens Professionnels, pédagogues qui constituent le groupe AMP de la nouvelle formation de la FIW.

Vous êtes bien entendu conviés à venir les entendre, dans la grande salle des Chartreux ou même la magnifique cathédrale Saint-Jean de Lyon dont Thibaut Louppe fera sonner les grandes orgues ce samedi 24 juillet.

Plus administrativement, nous vous remercions de votre présence à nos deux Assemblées Générales prévues ce vendredi 23 juillet, dont la première, Extraordinaire, est dédiée au vote de deux modifications statutaires.

Au nom du conseil d’administration de la Fédération Internationale Willems®, je vous souhaite une semaine ressourçante et d’heureuses retrouvailles.

Bonne soirée à tous.
Merci de votre écoute.

Nicole Corti, Présidente de la FIW.